Bandeau
Le camp d’internés 1914-1919
Le camp d’internés 1914-1919

Dieser Internet-Auftritt verfolgt das Ziel, möglichst viele Informationen über das Internierungslager auf der Ile Longue zusammenzustellen, damit Historiker und Nachkommen der Internierten sich ein Bild von den Realitäten dieses bisher wenig bekannten Lagers machen können - nicht zuletzt auch, um die bedeutenden kulturellen Leistungen der Lagerinsassen zu würdigen.

Le but de ce site est de prendre contact avec les familles des prisonniers allemands, autrichiens, hongrois, ottomans, alsaciens-lorrains... qui ont été internés, pendant la Première Guerre mondiale, dans le camp de l’Ile Longue (Finistère).

La musique
Article mis en ligne le 15 décembre 2012
dernière modification le 29 novembre 2014

par Christophe

L’absence d’un personnage d’une célébrité comparable à celle de G. W. Pabst n’a pas empêché la musique, dans ses formes multiples et variées, d’occuper une place de tout premier ordre au nombre des activités culturelles du camp.

Nous sommes très bien informés sur la vie musicale, grâce à deux sources :

  1. La revue du camp Die Insel-Woche avec de très nombreux articles sur la musique, des annonces et des comptes rendus de concerts.
  2. Une brochure spéciale (conservée aux archives départementales de Quimper - voir les documents joints à cet article) de six pages avec le titre La Musique dans le camp pour internés civils sur l’Ile Longue. Elle présente en détail la vie musicale du camp, sa diversité (du divertissement populaire aux grandes œuvres classiques) et son évolution (des débuts plutôt rudimentaires jusqu’aux concerts de très haut niveau).
Musik-Broschüre / Brochure Musique
Titelbild von Paul von Kovács / Couverture de Paul von Kovács

Les premières lignes de ce compte rendu soulignent la pauvreté musicale – et culturelle, en général - qui régnait pendant un certain temps après l’installation des prisonniers au camp et jettent en même temps une lumière saisissante sur la précarité de la vie des prisonniers au début de la captivité :

« Quand, en 1914, nous sommes arrivés sur cette île encore déserte à l’époque, on ne pouvait penser à faire de la musique. La seule chose qui se faisait entendre, c’était le son d’un accordéon, appelé aussi « clavier du marin ». Manipulé par une main expérimentée, le fidèle soufflet nous régalait de chants populaires, de marches et de danses. Cela nous aidait à passer les soirées de l’automne tardif quand, après le travail de la journée (nous devions nous-mêmes construire nos baraques), à la lueur d’une lanterne, nous étions couchés sur nos sacs de paille. On chantait ou on jouait, alternativement, et ce chant, à une seule voix d’abord, est bientôt devenu polyphonique. – A l’approche de la fête de Noël, un double quatuor s’est formé qui, la veille de Noël, a donné quelques chants de circonstances…La direction en était assurée par M. Felix Heyne qui avait réécrit de mémoire les partitions pour chœurs à quatre voix et il peut être dit que ce double quatuor n’est pas seulement le prédécesseur, mais vraiment l’initiateur de l’Association du Chœur d’Hommes Allemand créée six mois plus tard.  »

Evidemment, un chœur d’hommes, l’une des formations les plus emblématiques de la vie musicale de l’Allemagne de l’époque, ne pouvait manquer. Celui du camp de l’Ile Longue comptait jusqu’à 107 membres actifs, répétait régulièrement et donnait de nombreux concerts. Grâce à l’acquisition d’un piano, le chœur a pu travailler et monter des œuvres lyriques (Wagner, Grieg …), réputées difficiles, ce qui témoigne d’un niveau respectable, sinon excellent.

Winter-Konzert / concert d’hiver 27.02.1918

La brochure citée nous apprend l’existence de plusieurs ensembles instrumentaux consacrés à la musique de chambre ou à l’encadrement des services religieux (protestants et catholiques). Elle évoque aussi un orchestre de théâtre et un véritable orchestre symphonique, ainsi que de petites formations plus populaires réservées à l’animation dans les baraques à l’occasion d’anniversaires ou d’autres fêtes.
Dans l’article du journal Die Insel-Woche déjà cité, il est question d’un « Hall de Musique » (en fait, une baraque presque identique aux autres) où se produisent certains ensembles musicaux du camp. Au début, pour attirer du monde, Die Insel-Woche sert de support publicitaire aux musiciens. Dans le même texte, imprégné de pédagogie et fidèle aux idées fondatrices du journal, le responsable musical de la rédaction, Felix Heyne, essaie de motiver ses camarades à assister plus nombreux aux concerts, quand il écrit, par exemple :

« Le 1er Avril (dimanche des Rameaux) , dans le Hall de Musique, a eu lieu un concert donné par l’orchestre à cordes Noack … Le programme choisi a été salué avec reconnaissance et enthousiasme par un auditoire malheureusement peu nombreux. … La bonne musique est vraiment trop importante pour l’égaiement (exactement le sens du mot allemand utilisé) et le divertissement de nos camarades contre l’abrutissante monotonie de notre existence de prisonniers. »

Effectivement, les pièces jouées lors de la plupart de ces concerts, correspondent bien au goût populaire de l’époque : que ce soit La suite Per Gynt d’Edward Grieg, L’adieu de Wotan ou l’Incantation du Feu, extraits de La Walkyrie de Wagner, ou encore diverses marches, valses et danses folkloriques.

Wagner-Konzert / Concert Wagner 27.05.1917
gegeben vom Deutschen Männergesangsverein Île Longue /
donné par l’association du choeur d’hommes de l’Île Longue

Si les concerts visent avant tout les objectifs « égaiement » et « divertissement », suivant en cela les attentes de la plupart des auditeurs, les musiciens du camp ne méritent cependant nullement le reproche d’une programmation complaisante. D’après les comptes rendus publiés dans Die Insel-Woche, les excellents instrumentistes du camp ne craignaient pas de s’attaquer à des œuvres d’une grande exigence pour eux-mêmes aussi bien que pour les auditeurs, comme par exemple les œuvres données lors d’un concert symphonique au mois de mai 1917 : le Trio pour piano, violon et violoncelle en Ut Mineur ou le 2ème mouvement (Andante) de la 5ème Symphonie de Beethoven ou encore la très fameuse Symphonie inachevée en Si mineur de Schubert. Voici la fin du compte rendu de ce concert, p. 2 :

« Et maintenant la symphonie en si mineur de Schubert. Le cher petit Franz, plein de sentiments et de cœur ! Vraiment, l’une de ces expériences dont nous sommes si pauvres ici ! Le splendide thème du 1er mouvement a emporté l’auditeur en douceur vers les profondeurs de son âme où il a été maintenu sous le charme des mélodies tendres et poétiques de cette œuvre unique. Plus d’un a dû partir loin dans ses pensées – très loin ! Car c‘est une partie de notre patrie, pleine de profond amour et de désir, que l’on nous a offerte. – Une reconnaissance particulière pour le violoncelle et le premier violon solo !  »

Erstes Synphonie-Konzert / Premier concert symphonique 08.03.1918
gegeben vom Konzert-Orchester der Île Longue /
donné par l’orchstre de concerts de l’Île Longue

En ce qui concerne la question cruciale de l’approvisionnement en matériel musical (instruments, partitions etc.), les sources disponibles apportent des renseignements quelque peu incomplets, mais néanmoins intéressants. A savoir : « Dans un premier temps, les partitions ont dû être écrites à la main, page par page ; après quelques mois, cependant, on disposait d’un hectographe (sorte de machine à polycopier) qui facilitait énormément la reproduction. – Au cours des années, de nombreuses partitions et d’autres matériels sont arrivés d’Allemagne et de Suisse…  » L’auteur de l’article précise qu’il ne faut pas omettre de remercier cordialement les donateurs.

Drittes Synphonie-Konzert / Troisième concert symphonique 03.05.1918
gegeben vom Konzert-Orchester Île Longue /
donné par l’orchestre de concerts de l’Île Longue

Qui est cet auteur ? Son nom n’est malheureusement pas notifié dans la brochure. La façon dont il présente les événements musicaux du camp, ainsi que son style et son esprit cependant laissent deviner qu’il s’agit d’un homme proche de l’équipe rédactionnelle de Die Inse-Woche. C’est ainsi qu’il écrit :

« Il s’agissait, pendant notre temps de souffrance, de chasser par tous les moyens le spectre gris de l’ennui et de l’abattement, et à cette tâche, la muse dans chacune de ses formes a participé honnêtement. Ce qui est significatif c’est avant tout le fait que toutes les couches sociales ont participé à sa pratique, chacune à sa façon, bien évidemment. Ainsi, un petit ensemble pour cithare et guitare s’est formé qui, à plusieurs occasions, s’est produit publiquement. … Une partie des musiciens jouaient sur des instruments construits par eux-mêmes, et on pouvait voir tout particulièrement de splendides exemplaires de guitares et de mandolines ; il existait aussi un violoncelle de production personnelle et un violon fabriqué d’après le modèle d’un ancien violon de maître. Et un autre phénomène réjouissant était le nombre toujours croissant de débutants qui se sont mis à apprendre tel ou tel instrument. … Dans ce domaine aussi, de grandes performances ont été accomplies, au niveau des études et du travail. »

Konzert / concert 20.05.1917
gegeben vom Konzert-Orchester Île Longue /
donné par l’orchestre de concerts de l’Île Longue

D’autres articles sur la musique du camp dans la revue Die Insel-Woche


Documents
Article sur la musique par Felix Heyne publié dans « Die Insel-Woche » 82.8 kio / PDF

Brochure : « La musique dans le camp des prisonniers civils de l’Île Longue » 89.9 kio / PDF