Bandeau
Le camp d’internés 1914-1919
Le camp d’internés 1914-1919

Dieser Internet-Auftritt verfolgt das Ziel, möglichst viele Informationen über das Internierungslager auf der Ile Longue zusammenzustellen, damit Historiker und Nachkommen der Internierten sich ein Bild von den Realitäten dieses bisher wenig bekannten Lagers machen können - nicht zuletzt auch, um die bedeutenden kulturellen Leistungen der Lagerinsassen zu würdigen.

Le but de ce site est de prendre contact avec les familles des prisonniers allemands, autrichiens, hongrois, ottomans, alsaciens-lorrains... qui ont été internés, pendant la Première Guerre mondiale, dans le camp de l’Ile Longue (Finistère).

Carl Eugen Schill - Un sabot livre son secret
Article mis en ligne le 20 février 2023

par Monique, Peter, Sabine

Plus de 5000 hommes des puissances alliées de l’Allemagne sont emprisonnés entre 1914 et 1919 dans le camp de détention de l’Île-Longue ; à partir de 1916, seul des civils sont détenus, les prisonniers de guerre sont évacués vers d’autres camps. L’association Île Longue 14-18 a pour mission d’explorer l’histoire du camp. Les témoignages des détenus jouent pour cela un rôle important – mais leur découverte ressemble souvent, plus de 100 ans après, à la recherche d’une aiguille dans une botte de foin.

Souvent, ce sont les descendants des détenus qui font appel à l’association et non pas l’inverse. Avec beaucoup de chance, les familles des détenus trouvent des lettres, des dessins, des photos ou même des journaux intimes qui témoignent du séjour des détenus dans le camp.

Carl Eugen Schill est détenu entre 1914 et 1919 comme interné civil – l’existence de son journal intime nous est connue depuis le 15 février 2018 (image n° 1).

Image n° 1 Titre intérieur du journal intime
Abb. 1 Innentitel des Tagebuchs
Illustration 1 Frontispiece of the journal

Le présent cas ne fut pas révélé par sa famille mais par un simple objet – un sabot – qui nous a mis sur la piste de Carl Eugen Schill. Ce sabot est le début d’un véritable jeu de piste franco-allemand très passionnant qui devait finalement nous conduire vers son journal intime.

Les personnages du drame dans l’ordre de leur apparition :

  • Un sabot
  • Didier Cadiou de Crozon/Finistère, membre de l’association Île Longue 14-18 ;
  • Gérard Schneider de Crozon/Finistère, membre de l’association Île Longue 14-18 ;
  • Bernard Jacquet de Nantes, Président de l’association Île Longue 14-18 ;
  • Monique Drevillon de Brest, membre de l’association Île Longue 14-18 ;
  • Sabine Herrle, membre de l’association Île Longue 14-18 ;
  • Hans Raach et Heidrun Deh de la mairie de Reutlingen ;
  • Roland Brühl des archives de la ville de Reutlingen ;
  • Dr. Andreas Fallscheer-Schlegel de Reutlingen ;
  • Gabriele Denz de l’administration de la ville de Laufenburg/pays de Bade ;
  • Dr. Sabine Dohnicht, née Schill, petite-fille de Carl Eugen Schill, Gutach/Brisgau.

Crozon (Bretagne), 2012
Indépendamment l‘un de l’autre, Didier et Gérard trouvent, lors de leurs recherches pour un article sur le camp de l’Île-Longue, un sabot sur e-bay. Des photographies montrent que sur le sabot sont inscrits les noms de plusieurs camps de détention du Finistère. Gérard télécharge ces photos.

Image n° 2 La sabot sur ebay - capture d’écran
Abb. 2 Der Holzschuh bei ebay - Screenshot
Illustration 2 The sabot on ebay - screenshot

Crozon (Bretagne), le 20 octobre 2017
Assemblée générale de l’association avec, entre autres, Bernard, Didier, Gérard et Monique. Un des sujets est l’acquisition d’objets qui font référence au camp afin d’enrichir l’exposition existante sur le camp. Didier se souvient alors du sabot. Le soir même, il découvre que le sabot est toujours en vente, dans une brocante de Fribourg-en-Brisgau !

Fribourg en Brisgau, le 26 octobre 2017
Sabine reçoit un mail de Bernard lui demandant d’acheter le sabot. Après l’achat du sabot, elle part avec son mari pour un voyage de 10 jours en Provence.

Apt (Provence), le 28 octobre 2017
Dans l’appartement de vacances, Sabine prend le sabot en photo. Y sont gravés les noms de plusieurs lieux : Château d’Anne, Crozon, Charles Martel, Île Longue ainsi que les dates 1914-1919. Les gravures sont de très bonne qualité – faites avec professionnalisme ? Sur la semelle se trouve un indice écrit à l’encre : « Weihnachten 1915 », c’est-à-dire « Noël 1915 » (image n° 1)

Image n° 3 Différentes vues de la sabot, inscription « Weihnachten 1915 » (Noël 1915)
Abb. 3 Verschiedene Ansichten des Holzschuhs, Inschrift „Weihnachten 1915“
Illustration 3 Different views of the sabot, inscription « Weihnachten 1915 » (Christmas 1915)

S’agit-il d’un cadeau de Noël ? Quand le sabot a-t-il été décoré des gravures ? S’agit-il d’une pièce unique ou d’une mini-série ? Et surtout : A qui appartenait-il ? Question sur question… Que le sabot nous livre son secret est peu probable en octobre 2017, plus de 100 ans après sa fabrication. Le jour même, Sabine envoie le sabot à Monique à Brest.

Brest (Bretagne), le 4 novembre 2017
Le sabot arrive chez Monique. Elle transporte le sabot sur les traces de son premier propriétaire (toujours inconnu). Ici, le sabot se trouve à l’endroit où était amarré le navire désarmé et devenu ponton-prison pour les internés : le « Charles-Martel » (image n° 4)

Image n° 4 La sabot à Brest
Abb. 4 Der Holzschuh in Brest
Illustration 4 The sabot in Brest

Ensuite, Monique examine le sabot de plus près. Comme dans un roman policier, elle découvre à l’aide d’une lumière plus intense une inscription à peine visible sur la semelle au niveau du talon !

Image n° 5 La deuxième inscription à peine visible, qui ne devient visible que sous une forte lumière :
Abb. 5 Die kaum sichtbare zweite Inschrift, die nur unter starkem Licht sichtbar wird :
Illustration 5 The almost invisible second inscription is unveiled with the help of very strong light :
„C. Schill, Reutlingen, (Wtbg.)“

Monique est parvenue à sortir de l’oubli le nom de son propriétaire ! Et en effet, nous trouvons son nom aussi dans le registre des détenus du camp de l’Île-Longue :

Carl Eugen Schill, Reutlingen,
(royaume de) Württemberg
Né le 11 juin 1880 à Reutlingen

Le jeu de piste est loin de toucher à sa fin – au contraire – il passe à une vitesse supérieure !

Fribourg, le 5 novembre 2017
Sabine écrit un mail à Hans Raach de la mairie de Reutlingen. Son intention est de demander de l’aide pour une « recherche de faits historiques ». Elle demande alors s’il y a des descendants vivants de Carl Eugen Schill. Reutlingen est la ville natale de celui-ci et le nom de la ville est inscrit sur le sabot.

Reutlingen, le 22 novembre 2017
Hans Raach fait suivre le mail à sa collègue Heidrun Deh. Celle-ci informe Sabine que le registre de famille des parents de Carl Eugen Schill est tenu aux archives de la ville de Reutlingen. Elle informe Sabine qu’elle a fait suivre son mail aux archives.

Reutlingen, début décembre 2017
Roland Brühl des archives de Reutlingen reprend les recherches, trouve et, ...

Reutlingen, le 6 décembre 2017
informe Sabine qu’un descendant de Carl Eugen Schill allait prendre contact avec elle. Quelle chance ! Le suspens augmente !

Reutlingen, le 7 décembre 2017
Le docteur Andreas Fallscheer-Schlegel de Reultingen prend contact avec Sabine. Sa grand-mère, Maria Fallscheer, née Schill, était la sœur de Carl Eugen Schill. Andreas Fallscheer-Schlegel est donc son petit-neveu. M. Fallscheer-Schlegel donne l’indice que son grand-oncle était marié à une certaine Dorothee Schmiede, originaire de Laufenburg/pays de Bade. Les deux époux auraient eu un fils, Robert Schill. Carl Eugen Schill serait mort en 1950, sa sœur Maria en 1941.

Freiburg, du 8 décembre 2017 au 3 janvier 2018
Sabine écrit à la mairie de Laufenburg/pays de Bade pour demander si l’on trouve des traces de Robert Schill et de sa famille dans ses registres et s’il existe des descendants. L’objet de sa demande est encore « demande d’aide pour une recherche historique ».

Laufenburg (pays de Bade), le 4 janvier 2018
Gabriele Denz de la mairie de Laufenburg répond. Selon le registre d’état-civil, Robert Schill aurait deux filles, dont Sabine Dohnicht, née Schill, petite-fille de Carl Eugen Schill.

Freiburg, le 4 janvier 2018
Vu le nom très rare de Sabine Dohnicht, Sabine (Herrle) retrouve son adresse sur internet (son site professionnel). Dans une lettre, elle lui raconte le travail que fait l’association Île Longue 14-18 et lui demande si elle a des témoignages de son grand-père, tels qu’un journal intime, des dessins, des photos, etc.?

Gutach en Brisgau, le 9 janvier 2018
Quelques jours plus tard, madame Dohnicht écrit et dit qu’elle a été très contente d’avoir reçu une lettre. Et qu’il y aurait peut-être un journal intime de Carl Eugen Schill !

Gutach en Brisgau/Freiburg, janvier 2018
Sabine (Herrle) et Sabine Dohnicht échangent plusieurs mails dans lesquels Sabine Herrle raconte l’histoire du jeu de piste tout autour du sabot.

Gutach en Brisgau, le 15 février 2018

Sabine (Herrle) rend visite à Sabine Dohnicht à Gutach, à seulement 17 km au nord de Fribourg ! Sur la table de cuisine de la famille Dohnicht, elle trouve le journal intime, emballé dans du papier d’emballage (image n° 6)

Image n° 6 Le journal, enveloppé dans du papier d’emballage marron.
Abb. 6 Das Tagebuch, in braunes Packpapier eingeschlagen
Illustration 6 The journal, wrapped in brown paper

Dans le journal se trouve également une photo sur laquelle on voit Carl Eugen Schill dans le camp de l’Île-Longue et que celui-ci voulait apparemment l’envoyer comme carte postale.

Image n° 7 Carte postale de Carl Eugen Schill dans le camp de l’Île Longue.
Face avant : Carl Eugen Schill au milieu
Face arrière : « Prises de vue dans le camp de concentration de l’Île-Longue, près de Brest (France) à l’été 1919 »
Abb. 7 Postkarte von Carl Eugen Schill im Lager Île Longue
Vorderseite : Carl Eugen Schill in der Mitte
Rückseite : „Aufnahme im Konzentrationslager Ile Longue b. Brest (Frankreich) im Sommer 1919“
Illustration 7 Postcard showing Carl Eugen Schill in the Île Longue camp
Front : Carl Eugen Schill (center)
Back : « Photo taken in the Île Longue concentration camp near Brest (France), summer 1919 »

Image n° 7 carte postale de Carl Eugen Schill dans le camp de l’Île Longue.

Face avant : Carl Eugen Schill au milieu
Face arrière : Prises de vue dans le camp de concentration de l’Île-Longue, près de Brest (France) à l’été 1919

Sabine Dohnicht se souvient du sabot. Il se trouvait dans l’appartement de la grand-mère comme objet de décoration. Après la mort de la grand-mère, le sabot atterrit chez ses parents. Lorsque sa mère est venue habiter chez elle à Gutach, elle aurait mis le sabot et d’autres objets en vente dans une brocante à Fribourg. Elle ne savait pas que le sabot était un souvenir à la captivité de guerre de son père.

Ici, le jeu de piste prend fin. La découverte d’un sabot gravé sur le web nous fait découvrir, après diverses étapes, un autre interné civil qui nous laisse un journal plein de dessins, de photos et de souvenirs.

Last but not least – merci !
Nous n’aurions pas trouvé le journal intime de Carl Eugen Schill sans l’aide de nos collaborateurs. Un grand merci à Hans Raach et Heidrun Deh de la mairie de Reutlingen, à Roland Brühl des archives de Reutlingen, à Gabriele Denz de la mairie de Laufenburg/pays de Bade pour son soutien. L’indice décisif pour continuer nos recherches à Laufenburg nous est parvenu grâce à monsieur le docteur Andreas Fallscheer-Schlegel. Merci beaucoup à lui.

Dans peu de temps, vous pourrez lire ici un nouvel article sur Carl Eugen Schill, son histoire et son journal intime.

Traduction : Peter Wierer